mercredi 30 août 2017

Le chien du Président

Ah quelle belle rentrée politique ! Bravo les communicants, ils ont fait fort.
Pour tenter d'endiguer la descente aux enfers de Macron dans les sondages, ils ont rameuté le clan des 30 millions d'amis. Le décision n'a pas été facile à prendre car ni Brigitte ni Emmanuel n'affectionnent particulièrement les bêtes à poils et à puces. Mais, raison d'état d'impopularité oblige, ils ont fini par y consentir.
Une cellule a été créée dés les premiers jours du mois de juillet pour notamment définir le profil de la bête, procéder à sa sélection, préciser son rôle et désigner les différents responsables qui lui seraient attachés.

Après avoir écarté toutes les suggestions d'acquisition d'un animal de compagnie « clivant » tels que chat, jugé trop indépendant, panda, trop placide, perroquet trop bavard, veau, vache, cochon, couvées...trop bassecour, le comité est vite tombé d'accord sur le chien qui depuis Pompidou, Giscard et Mitterrand symbolise l'attachement du Président au plus fidèle ami des Français. Un pattu, certes, mais de quelle race ? grand, petit, poils durs, longs, frisés ? de chasse, policier, à sa mémère... ? Au troisième jour de concertation l'assemblée à l'unanimité suggéra que le clébard soit de taille moyenne et de race française ou issu d'une saillie mixte. Tous convinrent que le pelage ne puisse en aucun cas rappeler la teinte des cheveux du couple présidentiel. Ni jaune ni fauve et sans taches. Le noir, qui ressort si bien sur le gravier blanc des allées de l'Élysée fut plébiscité.
Un vif débat opposa les partisans de l'adoption d'un chiot à ceux préconisant le recueil d'un cador adulte. Idem en ce qui concerne le sexe de l'animal car comme chacun sait l'un projette sans discernement ses mictions contre un arbre, un angle de murs ou la jambe d'un garde républicain, alors que la chienne se soulage sagement et discrètement en baissant élégamment son derrière près du sol. Pour éviter tout pipi intempestif et l'éclaboussure d'un cliché de paparazzy qui ferait rire la France entière, la femelle fut préférée au mâle. Dans leur élan, les crânes d'oeuf du comité cabot imaginèrent que la chienne présidentielle se ferait saillir à l'automne par l'épagneul breton du gardien de La Lanterne et qu'une portée naîtrait au printemps devant les cameras de Stéphane Bern et les reporters de Paris Match. Consultée sur ce génial scénario à rebondissement, Brigitte opposa son véto à la dynastie canine élyséenne. Va donc pour un chien adulte moyen, bâtard sans tare.

Plusieurs vétérinaires dont un psychocanidologue danois furent chargés d'auditionner en grand secret les postulants des chenils et refuges de l'hexagone. Un première meute fut dirigée vers un parc de la région parisienne où les impétrants furent soumis à une batterie de test bio médicaux et comportementaux. Les aboyeurs, les léchouilleurs, les baveurs, les pendus de la langue, les queues coupées, les donneurs de patte, les frotteurs lubriques, les quémandeurs, les geignards et autres tarés furent impitoyablement éliminés. Restèrent quatre candidats. La DGSI fut appelée en renfort pour vérifier leurs origines, croiser leur pedigree, enquêter sur l'honorabilité de leur portée. Il convenait de s'assurer que le clebs ne fut pas un agent mordant dormant fiché « S ». On passa à deux doigts de la catastrophe car l'un des finalistes se révéla être un chien de la chienne fugueuse de Mélenchon. Le médor sélectionné in fine présentait toute les garanties de lignage puisque né d'une union fortuite dans une partouze de clébards de milliardaires à Saint-Tropez. Son maître, répondant au nom prédestiné de Marin car de son état gardien de phare à l'île des pendus en rade de Marseille, consentit à s'en séparer en échange d'une promotion-mutation aux Kerguelen où il pourrait s'adonner à sa passion pour les phoques.
Une jeune publiciste à l'imagination talentueuse fut alors chargée de bricoler une fable biographique à faire pleurer dans les chaumières : le Labrador croisé Griffon de deux ans aurait été lâchement abandonné en Corrèze par un vilain maître totalement insensible au caractère « vif, intelligent et sympa » de son animal...à la SPA de Tulle (seconde allusion lourdingue à François Hollande) l'infortuné corniaud ne trouvait pas preneur...alors, il a été transféré au refuge d'Hermeray en banlieue parisienne (à 500 km)... et un jour d'été, son destin a basculé : le President et la Première Dame dans une démarche inédite et généreuse...
C'est bon ça coco, j'achète !

Restait à habituer Kiki -c'est son nom de baptême – à répondre à l'appel de Nemo, à le familiariser avec certains usages des Palais de la République comme le respect du mobilier national et des parterres fleuris. Pendant une semaine on l'accoutuma à l'odeur de ses nouveaux maîtres en plaçant dans sa niche des vêtements portés par le couple présidentiel. On lui fit répéter le parcours du perron au jardin et du jardin au perron. On simula l'arrivée d'une délégation officielle, le crépitement des appareils photos, les projecteurs des caméras, les interpellations des journalistes, les accents de la Marseillaise. On le dressa à rester impassible à son environnement, à aller sagement vers son maître et à revenir vers son dompteur au premier coup de sifflet à ultra son sans jamais aboyer ni lever la patte.


Au terme de huit semaines de patience, la persévérance de la brigade com/canine de la Présidence a vu ses efforts récompensés. Le 28 août lors du sommet africain sur la crise migratoire, le Président du Niger Mohamadou Issoufou a été accueilli en haut du perron de l'Élysée par un Macron flanqué de Nemo la queue frétillante. De bon augure pour des négociations sur les réfugiés. Toutes les télévisions étaient là pour répandre les images de l'hôte du Président et de son chien. Mais si certains téléspectateurs de la France profonde s'attendrirent, les Africains eux, ont serré les poings, car aucune offense plus grande ne pouvait leur être faite que celle là. Kadhafi - qui n'était pas que fou - aurait tourné les talons devant pareil affront car en Afrique et chez les musulmans, le chien impur lécheur d'excréments n'entre jamais dans les maisons. 
Décidément, la diplomatie, le protocole et la bienséance ont des exigences que les puissants petits Marquis de la communication ignorent.

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