mercredi 12 novembre 2014

Cheikh Maktoum contre Daech


Voici six mois que les insurgés d'Irak et de Syrie ont conquis un territoire dont la surface, la population et les ressources surpassent désormais la plupart des Etats arabes. Voici trois mois que la communauté internationale coalisée dans une formidable armée aérienne bombarde les positions terroristes. Sans résultat. Les hordes sauvages du calife sont toujours à l'offensive pendant que les armées régulières semblent incapables de les repousser, ni même de les contenir.
Bien qu'il soit difficile d'évaluer la réalité du terrain faute d'observateurs de la presse libre et en raison de la formidable propagande de guerre, le déséquilibre des forces qui s'affrontent est sidérant.

D'un coté une poignée de milliers de jihadistes équipés d'armes légères montées sur des Toyota blanches, quelques blindés et des missiles filoguidés, l'ensemble bénéficiant d'un soutien logistique impressionnant servi par des filières invraisemblables de contrebandiers.
De l'autre, des armées de professionnels : près d'un demi million d'hommes conseillés par la fine fleur des forces spéciales occidentales, appuyés par des dizaines de satellites, drones, hélicoptères, Tornado, F16, Rafale, missiles de croisière.... 
Pourtant, les barbus consolident leurs positions et menacent toujours Baghdad. Devant eux, une partie de la population fuit ; celle qui reste se soumet à l'ordre nouveau purifié de toutes les tares de l'ancien régime. La corruption, le clientélisme et l'injustice disparaissent, sans doute momentanément. La charia impitoyable frappe distinctement. Avant de se retirer des villes conquises, les combattants du calife restaurent l'administration épurée et s'en retournent  à leur croisade d'éradication de la mécréance.

Cette guerre est vouée à l'échec car on ne se bat pas contre des idées avec des bombes et des missiles.

Parmi les discours des chefs d'Etats, le plus pertinent est incontestablement celui de l'Emir de Dubaï.
Il ne se contente pas de constater que « les conditions de misère et d'injustice fertilisent l'intolérance, l'extrémisme religieux et le terrorisme », il propose des solutions.

On pourrait ironiser sur le toupet de ce multi milliardaire à prétendre donner des leçons. Pourtant, Cheikh Mohamed Ben Rached El Maktoum, vice premier ministre de la fédération des cinq petits Emirats Arabes Unis, sait de quoi il parle. Il y a encore quarante ans, son peuple était misérable. Aujourd'hui c'est l'un des plus prospères du monde. Le bien vivre y est une réalité partagée par l'intégralité des citoyens. Ils ne sont que 800 mille, ils font vivre 8 millions d'immigrés de toutes nationalités dans des conditions sociales très satisfaisantes par comparaison avec tous les pays du Moyen Orient. Les cités de Dubai et d'Abu Dhabi sont des eldorados vers lesquels affluent non seulement les jeunes élites arabes, mais aussi celles d'Europe et d'Asie. 
Economie florissante, développement durable exemplaire, plate forme internationale des arts et de la technologie modernes. En 2020, Dubaï organisera l'Exposition Universelle. La première dans cette région du monde. 25 millions de visiteurs sont attendus.
La réussite des EAU est impressionnante. Certes, le pétrole y est pour quelque chose mais l'intelligence pour beaucoup, car en comparaison avec le naufrage de pays généreusement dotés comme l'Algérie, la Libye ou l'Irak, les Emirats Unis sont une singulière exception dans le monde arabe. De surcroît, et à l'inverse de leurs voisins salafistes du Qatar et d'Arabie Saoudite, les émiriens sont tolérants, patriotes et perspicaces.
Autant de raisons pour écouter l'un de leurs chefs nous donner des leçons.

Partant du constat que « la flamme du fanatisme ne peut être éteinte par le seul usage de la force » Cheikh Maktoum propose trois remèdes : que les musulmans proclament leur répulsion pour l'idéologie de haine propagée en leur nom, qu'ils éradiquent la pauvreté dans les pays arabes et qu'enfin ils y promeuvent le développement durable car « rien n'est plus puissant que l'espoir d'une vie meilleure. » Vaste programme aurait dit de Gaulle ! Pour autant, l'analyse et les remèdes sont pertinents.
Le Cheikh éclairé sait bien que l'islamisme radical est alimenté par la doctrine sectaire de son puissant voisin salafiste, alors c'est par un euphémisme de bienséance diplomatique qu'il cite en exemple le programme de dé-radicalisation du Royaume d'Arabie Saoudite.
Il s'agit d'un camp de redressement et de réhabilitation pour anciens terroristes. L'établissement de grand confort est conçu comme un centre de remise en forme avec balnéothérapie et cours intensif de pacifisme par des avatars d'imams wahhabites formatés « peace and love ». Le ministre de l'intérieur saoudien est très fier de son gadget expérimental qu'il fait visiter à ses collègues étrangers de passage. Sur les 3 000 pensionnaires de la première promotion, seulement 300 récidivistes sont repartis au jihad sitôt libérés. Devant ce succès, les Américains et les Européens ne tarissent pas d'éloges hypocrites sur l'initiative des pyromanes-pompiers. Des centres analogues mais bien moins confortables existent également dans une quinzaine d'autres pays notamment en Egypte, en Algérie et en Israël. Mais ce n'est qu'un début. Le marché de la dé-radicalisation est en plein devenir. Un récent rapport de l'ONU évalue à 150 mille la population jihadiste accourus de 80 pays vers la Mésopotamie durant le dernier semestre.

Mais revenons à la déclaration de Maktoum qu'il faut lire absolument car elle est une lueur de raison dans l'obscurantisme ambiant de l'Orient du moment. 
En voici les liens de la version anglaise et française :


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