mardi 22 octobre 2013

L'Arabie Saoudite, un Royaume des ténèbres



C'est le titre de la dernière livraison de René Naba. Rien à voir avec les derniers bestsellers sur le très médiatique et très insignifiant Qatar voisin. L'Arabie, c'est du lourd, difficile à décrypter.

Caché au fond des ténèbres de l'inquisition et de l'horreur, cette monarchie obscurantiste est à l'abri de toutes critiques car elle est la plus riche et donc la plus influente de la planète. Aucun cri de détresse ne parvient jusqu'à Paris, aucun homme politique, aucun philosophe, aucun journaliste, aucune épouse de Président, aucun groupe de bien pensants n'a trouvé le courage de dénoncer ce régime d'insulte permanente aux Droits de l'Homme. 
Le Royaume bénéficie d'une impunité à l'égale de sa richesse: sans limite. Premier exportateur de pétrole, premier importateur d'armes, ce pays est aussi le pôle d'attraction d'un milliard et demi de musulmans auxquels la loi d'Allah prescrit de se rendre en pèlerinage au moins une fois dans sa vie. La Mecque n'est pas un sanctuaire bénéficiant de l'extraterritorialité, elle est la propriété privée de la maison des Saoud qui délivre à son gré le précieux visa d'entrée au paradis.

René Naba est un journaliste rigoureux et intransigeant. En une vie de métier en France et au Levant, on lui cherchera en vain une quelconque faiblesse ou compromission. Ses écrits sont redoutés car la démonstration décalée est toujours implacablement documentée. Il n'est pas du genre à tremper sa plume dans l'eau de rose, ses formulations acides font grincer les dents "non là il exagère" pense-t-on en début de page pour admettre quelques lignes plus loin qu'il a raison. Son livre est bourré de références précises et d'annotations détaillées.
Le musée des horreurs de l'Arabie est unique et les personnes sensibles sont priées de sauter certains paragraphes. Naba aurait pu faire son miel de l'énumération des aberrations effrayantes du Royaume et y consacrer tout son ouvrage, il n'a pas cédé à cette facilité. Il élargit son observation du royaume wahhabite à l'ensemble du monde arabe, aborde avec acuité toutes les incidences à la périphérie de l'Arabie péninsulaire et les imbrications façon poupées gigognes dont les Saoud sont les artisans.

La race des pétromonarques illettrés est en voie de disparition. Au plus vieux roi de la planète succèdera  un "savant" sachant conduire une voiture, lire l'anglais et taper sur un clavier. Les petits-enfants du patriarche régnant connaissent la formidable puissance du Royaume. Auront-ils l'audace de l'utiliser pour émanciper leur pays et lui donner les clés de la justice et de la renaissance des mondes arabes et musulmans ? C'est un espoir secret. Allah karim ! (miséricordieux) Ou à l'inverse seront-ils les géniteurs d'une civilisation de l'obscurantisme et de la violence ? 

Il y a quelques jours, les Saoudiens ont refusé de s'assoir au Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est un geste d'une audace inouïe sans précédent dans la diplomatie mondiale. 
Riyad entend protester -non pas contre l'occupation de la Palestine par Israël - mais contre la paix en Syrie !

Pour éclairer un absurde Royaume des ténèbres: René Naba.

vendredi 18 octobre 2013

L'affaire Karachi sur Arte



On retiendra les visages et les mots de la douleur. Ceux de gens ordinaires comme nous. 
Un jour néfaste, il y a dix ans, onze des leurs ont été pulvérisés par 500 kilos de TNT. 
Pourquoi ? 

Le documentaire de Fabrice Arfi tente de documenter. Les interviewés défilent. Aux savants qui ignorent succèdent les ignorants qui font semblant de savoir. Les juges
et les ministres prennent la lumière des caméras. On oubliera vite leur visage et leurs expressions navrées, ils sont interchangeables. 
On retiendra la dignité et le parler vrai d'un rescapé et d'une orpheline. En retrait, les journalistes se taisent.
En demi ton on laisse entendre une musique de corruption qui serait à l'origine du massacre. 
Mais ce n'est qu'une hypothèse !  Le corrompu n'aurait pas touché l'argent du corrupteur alors il aurait lancé un sanglant avertissement. Le corrupteur et le corrompu étaient-ils de mèche par rétro -commissions interposées.
Qui sont les assassins ?

Le constructeur de sous-marins, la Direction des Constructions Navales, arsenal de l'Etat , a mené sa propre enquête mais n'a rien dit aux juges. 
Combien d'ingénieurs de l'armement combien de hauts fonctionnaires au nez pas très propre ? En se taisant ils ont ignoré leur devoir et l'article 40 du code de procédure pénale ? Qui s'en soucie ?
Toute la chaine de commandement s'est évertuée à regarder ailleurs.

Au Pakistan, Ben Laden était un coupable abonné.Mais comme tous les spécialistes démentaient alors diplomatie oblige, à Karachi une poignée de quidams ont été arrêtés, accusés, libérés…Puis l'embrouille s'est internationalisée avec la mise en cause des services de renseignement pakistanais dont une des "factions" afghane aurait pu déraper. 
A Paris on découvrait fortuitement à l'occasion d'une querelle de couple que les intermédiaires saoudiens étaient proches des militaires pakistanais. Autre "surprise", des pots de vin auraient été partagés avec des hommes politiques français. Des gonfaloniers de Sarkozy, Balladur, Léotard ont été mis en examen. Bien entendu, personne dans les milieux de l'armement n'aurait pu soupçonner pareilles turpitudes; d'ailleurs totalement ignorées des services de renseignements. Ben voyons !
En Arabie le backchicheur saoudien désigné eût l'élégance suprême de décéder. Allah yarhamouhou. En compensation, son chambellan parisien endossa le képi d'un mystérieux réseau  "K" dont la lettre était chuchotée dans les cercles d'initiés. L'arabe arrogant et bavard sera mis au trou: il y apprendra à se taire ou à mieux parler !

Retour sur image. Les ministres de la défense de droite et de gauche posent devant la caméra et parlent pour ne rien dire, ils s'arc-boutent sur les principes de confidentialité et de secret de polichinelle. 
Charles Million pédale dans la semoule. 
Alain Richard est pitoyable, la confession douloureuse lui reste au fond de la gorge.  
Un ancien magistrat bredouille. Son successeur sympathique et pragmatique explique que la justice ne peut pas grand chose lorsque l'exécutif est laxiste.

Heureusement, à Cherbourg, un député s'est levé. Il a tempêté et milité pour la vérité. En vain car la chape de plomb du silence n'a pas bougé. Mais récemment le sort a récompensé cet élu vertueux. Il est désormais ministre. Il a pris la place de celui qui avait effrontément menti "dans les yeux" à la République. 
Bernard Cazeneuve est maintenant un homme puissant qui dispose des services d'investigations de tous les circuits de l'argent.

Entre ses mains un double défit républicain: celui de dire qu'un ministre fraudeur est justiciable et que des puissants, complices d'un attentat  par compromission ou omission le sont aussi. 
Cahuzac, Karachi, deux affaires que les électeurs de gauche et de droite ne sont pas prêts d'oublier.

mercredi 9 octobre 2013

Arabie, les dividendes de la guerre en Syrie


Le Drian ministre de la défense a été reçu par le roi d'Arabie. C'est un événement sans précédent dans les usages diplomatiques entre les deux pays. Le monarque saoudien qui ne prisait pas Sarkozy  "cheval fougueux" tient en haute estime François Hollande. C'est un paradoxe extraordinaire que cette lune de miel entre le roi des ténèbres et le Président du pays des lumières. Pragmatisme socialiste oblige Paris s'est allié avec le régime d'Arabie jadis abhorré. Désormais il partage sans réserve la posture interventionniste wahhabite sur la Syrie. Cet alignement de la diplomatie française sur celle de la richissime Saoudie vient de produire un premier retour sur investissement dont bénéficient les exportations d'armements. D'autres fabuleux contrats, mais dans le secteur civil ceux là, devraient être finalisés d'ici quelques semaines en prévision de la visite que doit effectuer le Président Hollande chez le gardien des deux saintes mosquées.

En attendant, le ministre français a signé une commande de 1,3 milliard. Il s'agit d'un avenant au marché des frégates Sawari qui dormait dans les tiroirs depuis vingt ans. Le contrat Roh-Lex concerne la fourniture d'installations par Dcns et la construction d'ouvrages destinés au carénage des navires de guerre à Jeddah. Cette opération sera pilotée par Odas, une société que préside un ancien chef d'état major de la marine nationale dont la filiale infrastructure Sofinfra promoteur du projet a été inopportunément vendue il y a quelques mois à un entrepreneur domicilié dans l'île de Saint-Martin aux Antilles (?)
Un autre contrat devrait être signé dans les prochains jours pour la fourniture à l'Air Defense de missiles Crotale fabriqués par Thales. Cette opération complètera très substantiellement le programme Shahine entamé il y trois décennies. Mdba l'autre missilier français se consolera avec une commande de la Garde Nationale saoudienne. L'ensemble du panier de Le Drian pèse plus de quatre milliards. 

Au delà de ce succès commercial qui fera passer la France de la cinquième à la troisième place des ventes mondiales d'armes, la livraison massive de missiles sol air sur fond de guerre syrienne pose la question de la destination finale de cet arsenal. Le Crotale est un engin sans cesse amélioré qui figure depuis longtemps au podium des tirs au but de toutes les grandes manoeuvres militaires. C'est un tueur d'avions infaillible qui opère depuis des plate-formes de petits camions. L'armée de défense aérienne saoudienne est déjà dotée généreusement de ces systèmes de protection dont la plupart sont d'origine US. On peut se demander si les Saoudiens ne livreront pas in fine les Crotale à l'armée de libération syrienne ? Certes, dans ce cas Riyad se trouverait en contravention avec les traités internationaux sur les ventes d'armes et risquerait théoriquement des sanctions, mais cette menace doit faire sourire les Saoudiens car sans leurs achats, l'économie occidentale de l'armement déposerait le bilan. 
Il se pourrait aussi que ces engins servent à la protection de la base de lancement de missiles balistiques dont les têtes nucléaires pourraient être acquises au Pakistan pour contre-balancer la menace iranienne. Dans ce cas, les jeux et les enjeux seront d'une tout autre dimension.

Avec l'acquisition de Crotale au son des trompettes,  le roi d'Arabie manifeste l'apparence de sa mauvaise humeur vis à vis de son protecteur et fournisseur historique les USA où il a quand même commandé l'an dernier pour plus de trente milliards d'armement. En récompensant la France, il signifie aussi sa volonté de mener une opération militaire indépendante bien que derrière cette attitude de façade, il paraît improbable que la transaction française n'ai pas reçu l'adoubement préalable de Washington. Reste que les intentions de Riyad sont difficiles à discerner. 
En juillet dernier le Prince Bandar, patron des services secrets avait proposé à Poutine de lui acheter des armes par milliards contre l'abandon du soutien de la Russie à Bachar El Assad. 
Cette politique de surenchère à l'armement ne présage pas d'un avenir paisible.  Le plus vieux monarque de la terre qui est un joueur de pétanque assidu semble avoir choisi pour son ultime partie de dégager violemment le cochonnet !

vendredi 4 octobre 2013

Des armes pour la Syrie ?



Le Président Hollande a promis des armes aux rebelles de Syrie. La chose paraît simple, elle ne l'est pas. La France ne produit pas d'armes légères de petits calibres. Ainsi, on cherchera en vain dans son catalogue des pistolets, des fusils, des mitraillettes, des mortiers... le rayon "made in France" est vide. La manufacture de Saint Etienne a livré son dernier fusil il y a quinze ans ! 

Les industriels français aux catalogues impressionnants sont spécialisés dans le haut de gamme. La performance des exportations est loin d'approcher celle des USA et de la Russie mais la France joue dans la même cour que la Grande Bretagne, l'Allemagne et Israel. Le complexe militaro-industriel tricolore excelle dans les trois armes: terre, air mer. Les spécialistes de toutes nationalités reconnaissent la qualité de ses blindés et artillerie, de ses aéronefs et satellites, de ses frégates, corvettes et sous-marins. 
Ces systèmes lourds et très coûteux ne sont pas adaptés à la guérilla syrienne laquelle n'est d'ailleurs pas en peine d'approvisionnement.  Les révolvers, fusils, pistolets mitrailleurs et bazooka sont achalandés à profusion. Pour le quidam, le marché de la Kalachnikov et du lance roquette est tout à fait abordable. Sur les trottoirs d'Alep, un AK 47 se négocie autour de 1 500$ et le premier pack de munitions à 100$ les cent balles est offert. Pour les groupes d'insurgés salafistes du matériel flambant neuf arrive généreusement de Riyad et de Doha en empruntant des circuits mystérieux.
  
Mais ce qui manque surtout pour faire la différence sur le théâtre c'est la technologie. Or, à l'épaulé tué, le missile anti-char français est infaillible, le sol air est un must. 
Pour trente mille euros sans les options, la carapace de protection française permet au fantassin de tout voir et de tout entendre. Le combattant est dans une bulle façon Tintin sur la lune. 
Hélas pour elle, la rébellion syrienne ne peut pas importer ces armes modernes car celles-ci sont tout bonnement interdites à l'exportation. Et le Président de la République aura beau taper du pied, les missiles français resteront sur les étagères faute d'autorisations.

Car en dehors des armes légères répliquées à des millions d'exemplaires et diffusées clandestinement sur toute la planète par d'habiles marchands de morts, la commercialisation des armements sophistiqués est drastiquement réglementée. Ainsi, toute exportation française  est soumise à autorisation préalable du gouvernement, lequel est lui même inféodé au feu vert de chacun des pays de l'Union Européenne. Entre autres règles, la communauté internationale limite les autorisations d'achats aux seuls Etats reconnus vertueux par l'ONU. Bien entendu la réexportation vers les pays tiers est interdite et la traçabilité des armements est assurée par les rivalités du marché. Il y a bien des moyens détournés, mais il ne faut pas se faire piquer comme les italiens en Libye car cela fait mauvais genre dans les conférences internationales.

Si certains missiles bricolés peuvent se vendre à la sauvette, ce n'est pas le cas des vecteurs français dont l'efficacité meurtrière laisse une signature. En outre, la technicité des systèmes performants induit des conditions de stockage et d'utilisation réservés à des soldats ayant reçu une formation adéquate. Dans ces conditions, on voit mal comment les industriels français pourront, en dehors d'un engagement internationalement validé se prévaloir du label opérationnel "Syrian combat proven". 
Reste que par ses incantations, le Président français aura bien mérité, car sa campagne de promotion a doublement séduit les exportateurs du secteur de l'armement et leur principal client l'Arabie Saoudite.

mercredi 2 octobre 2013

L'arabe



C'est la seconde langue de la France. Elle est usitée dans les familles, dans les cages d'escaliers, dans les quartiers. Elle domine dans les banlieues, dans les prisons. Pourtant, elle n’est pas enseignée à l'école primaire, elle est marginalisée au lycée, elle est réservée à une élite à l'université. 
L’arabe en France est la langue des sous-scolarisés et des savants.

L’éducation nationale la considère comme une langue étrangère alors qu’elle fait partie intégrante du patrimoine culturel de millions de français. Pire, elle est poussée au rang de langue liturgique ou savante au même titre que l’hébreu, le provençal, le chti ou le patois bérrichon. 

Un boulevard pour les intégristes qui proclament : "pour savoir l'arabe, apprenez le Coran !" 
Un pétard à mèche lente pour le FN qui va un jour se pencher sur les ELCO et autres aberrations du système éducatif national.

Sacralisée ou bougnoulisée, cette langue n'est ni un facteur de valorisation ni une promesse d’ascension sociale. Pas de TV française publique en arabe (sauf quelques heures sur France 24 qui émet surtout à destination de l'étranger), à quelques rares exceptions il n'y a pas de radio laïque sur la bande FM ! La plus forte audience, Radio Orient lance cinq fois par jour l'appel à la prière !  Le PAF en arabe c’est 400 chaînes satellitaires parfaitement dés-identitaires. Le Français arabophone absorbe insidieusement la « vision » des monarchies et des dictatures orientales. Il devient malgré lui « concerné » par des préoccupations étrangères à sa nation. Il est dé-francisé à son insu. Il est « conditionné » à se passionner pour Algérie-Egypte alors qu’au fond de lui-même il vibrerait plutôt pour « Guingamp-Sochaux ».

L’espace culturel: édition, presse écrite, publicité, spectacles est inexistant ou importé parcimonieusement. L’Institut du Monde Arabe est trop souvent une vitrine des arts islamiques alors qu’elle devrait être la maison de la langue et peut-être essaimer sur le territoire. 

Quel sera le paysage linguistique dans 20 ans ? Cette langue dite morte aura alors une audience unique au contenu sacralisé incontrôlable. On ne dira plus « Bonjour » mais « que tu sois béni de Dieu et de ses apôtres ». On ne saura plus dire « au revoir » (ila lika) mais « Dieu est avec toi » Toutes les phrases seront ponctuées de bondieuseries. Cette dérive de la langue est observée depuis quinze ans dans le monde arabe (depuis la déliquescence des régimes nationalistes et laïcs arabes : Egypte, Irak, Yémen et dans une moindre mesure Tunisie, Algérie, Liban, Syrie). Il s’en ressent une main mise du dogme sur la pensée et sur le comportement quotidien d’une partie de la population française. Est-il possible d’être Français et penser Voltaire, Sartre ou Vialatte en langue arabe ? La réponse paraît affirmative puisque l’arabe est un vecteur de pensée comme toutes les langues, en réalité sa sacralisation et sa régression à la mode du 14ème siècle ne lui permet plus d’aborder avec neutralité les concepts républicains de la France d’aujourd’hui.

L’éducation nationale n’a pas anticipé le mouvement, elle est aujourd’hui dépassée. Pourtant Paris a produit bien plus de savants dans cette langue que la plupart des pays arabes. Mais l’arabe est devenu la langue des terroristes. Dans l’administration, son apprentissage est encouragé seulement dans la police et chez les gardiens de prisons.

Laisser une langue devenir l’arme d’un mouvement de pensée c’est prendre le risque d’une fragmentation politique. Tenter d’éradiquer son usage par la suspicion et la répression, c’est précipiter de mouvement car on ne tait pas une langue.
(texte publié en déc 2009)