samedi 21 décembre 2013

François d'Arabie




Le Président de la République François Hollande terminera l'année par une visite de deux jours en Arabie Saoudite. Il y percevra les dividendes de la diplomatie du plus offrant. Les étrennes seront généreuses. Elle permettront à quelques industriels d'assurer un plan de charge de plusieurs décennies et conforteront la place de la France au troisième rang mondial de l'armement.
Ce n'est pas rien.

Cette rencontre au sommet marquera aussi une prodigieuse évolution de la doctrine du parti socialiste.
Que de chemin parcouru depuis l'élection du premier Président de gauche de la cinquième république François Mitterrand, exigeant le désarmement des avions exposés au salon du Bourget !
En trente ans, la rue de Solférino a mangé son chapeau. Anti militarisme primaire et pacifisme naïf ont fait long feu. L'ultime étape est franchie.

Avant Hollande, les relations militaires franco-saoudiennes étaient exclusivement gérées par des hommes politiques de droite. Tous les ministres de gauche qui faisaient le voyage de Riyadh étaient reçus comme des diablotins dans un jeu de quilles. Récemment, Le Drian a cassé le plafond de verre en gagnant l'exploit d'être invité par le roi en personne. Cette performance est d'autant plus étonnante qu'elle s'appuie sur des fidèles de Sarkozy. L'ambassadeur de France à Riyad est l'ancien conseiller d'Alliot-Marie, le pilotage des ventes de matériels sensibles est assuré par une équipe de caciques de l'ancien régime, enfin, on cherchera avec difficulté des encartés à la rose dans le cénacle des industriels de l'armement.
En un rien de temps, le gouvernement Ayrault aura converti les plus conservateurs du très fermé cercle militaro-industriel.

La doctrine de Hollande : « l'emploi par la relance à n'importe quel prix » » marque avec ce voyage les limites du supportable pour les pachydermes socialistes qui eussent préféré que l'on se serra la ceinture pour marcher tête haute.
Car le rapprochement avec l'Arabie n'est pas seulement une opération de remplacement d'un client -le Qatar – par un autre, c'est le virage idéologique d'une alliance stratégique surprenante qui marquera l'histoire de la gauche.
L'Arabie Saoudite est-elle fréquentable ?
Non. Mais la question est incongrue car Paris n'a plus les moyens de chipoter la vente de frégates, centrales nucléaires et poulets de Bretagne. Tout au plus, les bonnes consciences pourront-elles espérer que le Président – ira-t-il avec sa compagne ? - osera chuchoter à l'oreille du roi quelques paroles étrangères: « liberté, égalité, fraternité, justice.... pour les femmes... »
On se consolera pareillement en songeant que François Hollande n'allait tout de même pas refuser les généreux retours sur investissement de sa posture levantine, ni bouder son plaisir d'être l'artisan du spectaculaire dialogue israélo-saoudien sur fond de crise persique.
Finalement, tout cela n'est pas si navrant.
L'indécence est ailleurs, elle est collatérale à ce voyage.

Car pour marquer la lune de miel franco-saoudienne, le Centre Pompidou a prêté au musée de Dahran des œuvres de Picasso.
Oui Picasso.
Picasso exhibé en Arabie.
En Arabie Saoudite, le pays Guernica des Droits de l'Homme !

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