mercredi 15 mai 2013

Monsieur Hollande, Président-VRP



La cinquième république a été successivement présidée par un militaire, un normalien, un polytechnicien, un lettré florentin, un énarque, un avocat d’affaires.
Le dernier en date est un commerçant.
Car François Hollande –on a tendance à l’oublier – est diplômé d’HEC, prestigieuse école de commerce française dont la devise est « apprendre à oser ». Elle forme les stratèges du patronat en leur inculquant le culte du résultat concret.
A l’issue de ses études de commerce, le futur Président  (ayant appris à oser) prépara l’école d’administration. Hollande est un HEC énarque et non pas l’inverse.
C’est sans doute pourquoi, les premiers pas du nouveau Président de la République signent son habileté managériale dans le domaine le plus crucial de l’économie : celui du commerce extérieur.

La France, jadis sur le podium des champions de l’export est aujourd’hui en capilotade. Ses recettes ne couvrent plus ses dépenses. La cause de la crise est là. N’importe quel Limousin de bon sens vous le dira !
Cette évidence a échappé depuis vingt ans aux élites françaises qui persistent à se regarder le nombril et pratiquer l’exportation lors d’escapades touristiques de fin de semaine ou dans un bon restaurant parisien avec un visiteur étranger en recherche de « compétitivité ».
Les entrepreneurs sont démobilisés.

L’état a abdiqué pareillement.
Du temps de sa splendeur le commerce extérieur avait un ministre plein, certains d’entre eux : Raymond Barre, Edith Cresson devinrent Premier Ministre. C’est dire l’importance  que revêtait la politique de négoce du « made in France » à l’étranger. Consciente de l’enjeu, Madame Cresson -  diplômée d’HEC  - avait imaginé la création d’une Ecole Nationale des Exportateurs. Cris d’orfraies et moqueries des énarques misogynes et prétentieux. Résultat vingt ans plus tard : il n’existe aucun établissement français dédié à la formation des cadres de l’exportation ! Certes, il y a bien ici et là des enseignements de « management » international et de langues étrangères mais c’est insuffisant. Nos élites reçoivent un cursus qui ne les prépare nullement à affronter un interlocuteur mexicain, danois ou yéménite. Tout un symbole, le stage post-ENA se déroule en Préfecture, institution strictement administrative et  parfaitement obsolète dont l’expertise internationale se limite à tamponner les passeports et les cartes de séjours.

Etre « marchand de France », c’est un métier !  La vente c’est de la psychologie, c’est du théâtre, il faut savoir son texte, il faut être costumé, pouvoir séduire, être attentif, courtois, poli à l’excès, patient, loyal, tenace… La vente à l’exportation, c’est tout cela dans un décor parfois insolite ou hostile, devant un public  d’une autre culture, mais fort heureusement souvent bien disposé. Car le produit France  est facile à placer  tant ce pays fait rêver le monde entier. « J’arrive de Paris et vous ai apporté un petit souvenir ! » le sourire de l’interlocuteur s’épanouit à la vue de la petite tour Eiffel. Il la rapportera chez lui, la montrera à ses enfants « c’est un Français qui m’en a fait cadeau !... » La fois suivante, le présent sera griffé d’un nom magique : Dior, Hermès, Cognac, Champagne…En préambule, l’acheteur parlera de Hugo ou de Zidane, c’est selon. Prestige, qualité, notoriété, culture, histoire… aucun concurrent ne peut rivaliser avec la séduction d’un exportateur français. Las ! C’est souvent l’arrogance qui prévaut ou le bakchich avec rétro-commission, promesse assurée d’une mauvaise affaire.
Le symbole de l’échec tricolore c’est le Rafale dont pourtant, tous les pilotes de chasse du monde disent qu’il est le meilleur. Ses performances surclassent tous ses concurrents, son prix aussi. Mais le prix n’a jamais été un critère de sélection en matière d’armement !
Depuis deux décennies ce fer de lance de la technologie française est l’objet d’une campagne de promotion  sans équivalent. Elus, ambassadeurs, ministres, Présidents le soutiennent bec et ongles. La puissance publique toute entière est au petit soin. Les commandes de l’Etat abondent, mêmes lorsque celles-ci sont en contradiction avec les besoins opérationnels des armées.
Mais à l’exportation, c’est le bide total.
Le problème de Dassault, c’est peut-être Dassault !
Le fondateur de l’entreprise  Marcel Dassault était un avionneur de génie, un homme malicieux, affable, généreux, souriant, dont chacun recherchait la compagnie. Son fils Serge est tout le contraire, il suffit de l’avoir approché une fois pour le fuir à jamais. Mais au lieu de s’occuper de ses arrières petits enfants, il dirige son groupe, se mêle de tout et surtout de vendre l’avion à son nom avec l’insuccès que l’on sait.
Il y a deux hypothèses à ce fiasco :
Cet homme intelligent est tellement cynique qu’il a conçu le projet de ne jamais vendre le Rafale à l’étranger car la vache à lait française est largement suffisante pour financer sa recherche et développement et les juteux brevets qui en découlent.
Ou bien cet homme est tellement antipathique que nul ne veut commercer avec lui.
Personne ne dira jamais à Serge Dassault tout le mal que le monde pense de lui car la bonne presse française lui appartient. Sa dernière stratégie fut d’enrôler un Président de la République qui se démena tellement mal avec des « amis » marrons censés l’aider au Brésil, aux EAU, en Inde, au Maroc, et même en Suisse… que les concurrents britanniques américains et suédois, en rigolent encore. 

L’ère du Président bling-bling et des auxiliaires exotiques semble révolue. Le dernier voyage de François Hollande en Algérie a pris des allures de mission commerciale avec l’invitation d’un plein Airbus d’hommes d’affaires. Pour le bonheur des échanges économiques, tous les sujets qui fâchent ont été escamotés (Mali, droits de l’homme…) ou emberlificotés (repentance, visas…).
Avec succès François Hollande a inauguré la doctrine de l’exportateur : flatter le client avec excès et éviter les sujets qui fâchent.

La recette étant rodée, les prochaines destinations sont en cours de sélection. La Tunisie fauchée est disqualifiée, la Mauritanie aussi.
Outre les Etats du Golfe, les nominés sont les BICKS, acronyme  pour Brésil/Inde/Chine/Kazakhstan/ Afrique du Sud (à noter que le Kazakhstan remplace la Russie-De-par-dieu).
Le gouvernement de rigueur va chasser les tocards et mettre en selle l’intelligence économique nationale. Le chef de l’Etat a promis qu’il ne transigerait pas sur l’enjeu de millions d’emplois.

Dans les prochaines semaines, le Président se rendra en Arabie Saoudite, le royaume des poètes emprisonnés où les Français sont en attente de contrats fabuleux. En 2012, le pays d’Abdallah a engrangé un excédent budgétaire de cent milliards de dollars qu’il convient d’éponger en 2013 !  
Depuis le voyage en Algérie, les patrons du MEDEF sont optimistes, ils pensent que Hollande pourrait bien réussir là où Chirac et Sarkozy ont lamentablement échoué.

Car le Président-VRP est un acheucé !

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