mercredi 15 mai 2013

L’institut du Monde Arabe dénudé



L’Institut du Monde Arabe à Paris est un bel édifice de métal et de verre dont l’ombre oblique se prolonge parfois sur les bords de Seine jusqu’au pied de Notre Dame.
Le cœur du bâtiment est un musée. Décevant. On y trouve surtout des reliques des arts islamiques.  Il y a aussi une bibliothèque avec un déambulatoire sympathique ; une librairie mieux fournie que les rayons exotiques de la FNAC et puis un restaurant qui est une insulte à la gastronomie orientale. L’Institut sert aussi  d’école de langues et de lieu de spectacles ou de conférences.
On y croise peu de jeunes des banlieues, sans doute intimidés par le chic du quartier, la carrure des appariteurs et le prix d’accès. L’endroit est plutôt bon chic bon genre. S’il avait été implanté à La Courneuve ou à Nanterre l’IMA eut été grand. Mais là où il est, il est singulier, il est imparfait, il est subjectif. Il sent l’argent du pétrole mais n’a pas l’éclat du grand Gulbekian, le richissime intermédiaire de l’or noir dont les musées éponymes immortalisent le nom.  L’Institut du Monde Arabe ne restera pas arabe, il deviendra – le grand Jean Nouvel le mérite- son musée.  En attendant, cet établissement demeure une bizarrerie diplomatique  sans équivalent. Imaginerait-on un institut du monde Européen, du monde Chinois, du monde Américain ?  
La culture arabe est foisonnante, mais elle est étouffée par l’indigence ou la dictature. Des pays tout entiers sont des trésors de l’humanité : l’Egypte, la Jordanie, le Soudan qui sont pauvres ; l’Irak, le Yémen, la Libye, la Palestine qui sont  en guerre ; et l’Arabie Saoudite qui hors de la Mecque est interdite de beauté et d’amour : ni radio musicale, ni théâtre, ni cinéma, ni galerie, ni librairie, ni concerts, ni photo, ni joie, ni rire…Dans les autres pays, la culture lorsqu’elle n’est pas officielle, est suspecte. Abu Dhabi et le Qatar, pays sans passé ni culture, se distinguent par la construction de nombreux musées et l’importation à grands frais d’œuvres d’art du monde entier pour les remplir.
Mais pour le reste des pays arabe, la culture est en jachère. L’édition est rare, le cinéma en déclin la musique étouffe sous la variété libanaise, la sculpture et la peinture figurative sont voilés. Le printemps arabe n’a pas encore fait sa révolution culturelle. Dernièrement, en Tunisie, des salafistes ont  provoqué des émeutes  pour obtenir avec la bénédiction du ministre de la culture la fermeture d’une galerie. Pour les islamistes, l’art (comme le lard) n’est pas hallal. Point.
C’est dans ce contexte que l’Institut du Monde Arabe a organisé une exposition d’œuvres d’artistes arabes « kafir », mécréants. On y voit dévoilés les corps nus, de femmes, d’hommes, d’androgynes, d’homosexuels…Des beautés et des laideurs dans le plus simple appareil. Le ventre cru, le sexe bas, le cul triomphant. Toiles, sculptures, images, gravures ; un foisonnement de non dits inédits.
Bouche bée !... Dans un musée « arabe », c’est du jamais vu, c’est tout simplement révolutionnaire ! Aucun des artistes  ne pourrait présenter ses œuvres dans son pays d’origine sans risquer le lynchage ou la prison.
Saluons  d’un coup de chéchia l’initiative de l’IMA  qui est notamment administrée par le collège fondateur des ambassadeurs arabes accrédités à Paris et applaudissons l’audace de Madame Hoda Makram-Ebeid, organisatrice de l’événement.

Il faut se précipiter pour admirer l’exposition avant qu’elle ne fasse scandale, avant qu’une bande de salafistes de La Courneuve téléguidée par quelques obscurantistes de l’Orient argenté ne viennent manifester leur indignation, avant que le nouveau ministre de l’intérieur ne prenne un arrêté « dans l’intérêt de l’ordre public », et surtout…avant la clôture de l’exposition prévue le 15 juillet. Vite !

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