mercredi 15 mai 2013

Hollande en Algérie. Qui Mali pense


En  visite à Alger le mois prochain, le Président français parlera t-il des Dogons, des Bozos, des Bambaras, des Touaregs…? Evoquera t-il sa détermination d’aller guerroyer à la frontière algérienne ? Prendra  t-il le risque d’ajouter le Mali à la tragique histoire franco-algérienne ?
Pas sûr...
Le Mali, c’est deux fois l’hexagone. C’est quinze millions d'habitants dix fois plus pauvre que les bénéficiaires des Restos du Cœur de Corrèze.
Son territoire enclavé est traversé par le fleuve Niger. La rive gauche marque le début des herbages, la rive droite celle d’une plage de sable de 600 km de large qui se prolonge au Nord vers le Sahara d’Algérie et de Mauritanie.

Au Mali pauvre, la démocratie fragile était à la merci des prédateurs.
Profitant du chaos libyen, des chameliers armés se sont approprié huit cent mille kilomètres carrés soit la moitié du pays. Bamako n’a pas pu résister. Et ce peuple merveilleux s’est désuni.
La fracture du Mali est une fatalité de l’hégémonie des puissants, après celle du Soudan, avant celle de la Libye, elle est dans l’écriture du temps.  La configuration géographique est favorable au dépeçage car les provinces du Nord Mali sont isolées ; Kidal est plus proche de Tamanrasset en Algérie (650 km) que de Bamako (1 200 km).

« Heureusement », Paris a décidé d’agir. Les stratèges préparent une croisade de mercenaires qui ira éradiquer le terrorisme, le narcotrafic, le salafisme coupeur de main, le barbarisme démolisseur de patrimoine… Entre temps, des groupuscules preneurs d’otages nourrissent  l’indignation médiatique. Comme les enfants, les adultes aiment qu’on leur raconte à plusieurs reprises la même histoire. Ils y croient chaque fois d’avantage.
Les Maliens n’ont de français que la langue, héritée de la colonisation. La France, pour viatiques,  leur ont aussi légués le droit à la sueur de quelque soixante mille immigrés dont nombre de rescapés de la soif ou de la noyade. Pour la plupart, ils vivent paisiblement entre les métros Château Rouge et Mairie de Montreuil. Beaucoup s’enrôlent dans les brigades de nuit qui nettoient les TGV.

C’est pour eux que le Président Hollande s’est mis en colère. Mais en dehors de ses sentiments humanitaires, quels intérêts supérieurs poussent le Chef des Armées Françaises à vouloir intervenir au Mali ? Ce n’est pas l’or blanc des mines de sel de Taoudenni ni les dates de l’oasis de Tessalit  Les richesses fossiles peut-être : pétrole, gaz, or, uranium… Allez savoir !
Pour Alger, puissance protectrice régionale sourcilleuse de l’intégrité de ses frontières, les velléités françaises sont perçues comme une ingérence intolérable dans sa sphère d’influence. L’histoire du Mali et de l’Algérie se confondent depuis des lustres pour le meilleur et pour le pire.
La façade saharienne de l’Algérie sur le Mali est longue de mille trois cents kilomètres. C’est bien d’avantage que la frontière de la France avec l’Allemagne et l’Espagne réunies. Ce n’est pas parce que les Algériens et les Maliens sont venus - malgré eux - combattre les nazis en Europe au siècle dernier, qu’en retour, la France doit se croire obligée d’aller faire le coup de feu contre une poignée de barbus. C’est, toutes proportions gardées, comme si des Africains venaient maintenir l’ordre dans le neuf/ trois, la Corse ou à la frontière Moldave !...

Le patriarche Bouteflika  (qui n’est pas né de la dernière pluie d’Oujda) sait qu’après l’Irak et la Syrie, l’Algérie est le dernier obstacle majeur au système dominant.
Alors que François Hollande était en culottes courtes,  il entamait déjà une carrière de  ministre des affaires étrangères qui allait, seize ans durant, le mener à la table de négociations des crises les plus épineuses de la guerre froide.
Mais le sommet d’Alger entre les deux hommes ne sera pas seulement inégal en âge.

L’Algérie est riche de 200 milliards de dollars de trésorerie, la France est endettée de dix fois ce montant. Le rapport Nord Sud, de ce point de vue est inversé.
Pour le commerce extérieur, les enjeux du voyage de François Hollande sont gigantesques : l’ensemble du CAC 40 est concerné, des milliers de PME aussi.  Le MEDEF est fébrile car il sait qu’en Algérie tout procède du politique. Contrairement aux usages dans les autres pays arabes, les affaires passent  après les intérêts nationaux, et même la corruption n’y peut rien !...
La première visite officielle de Mitterrand en Algérie il y a trente ans avait permis la conclusion de contrats juteux dont les majors du BTP français se souviennent encore avec nostalgie. Hollande fera t-il mieux ?
C’est probable.
Tout comme il est probable qu’il annonce à propos du Mali son ralliement à la posture diplomatique de Bouteflika. Car, subtilité suprême, il n’est pas impossible que le Président français ait poussé les feux de la guerre pour mieux négocier les fruits de la réconciliation.
L’Algérien en fin stratège appréciera !

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