mercredi 10 février 2010

Manger des mots

Je me suis délicieusement trainé ces jours ci au rythme des pas du pachyderme de Saramago. La dernière livraison du Prix Nobel est comme l’ensemble de son œuvre: sereine, mesurée mais toujours pétillante. José Saramago excelle dans la digression, le futile lui est essentiel sauf la ponctuation, mais qu’importe le « Voyage de l’Eléphant » de Lisbonne à Vienne est un enchantement.

Sans doute inconsciemment attiré par les animaux de foire, j’ai acheté aussi
« Les yeux jaunes du Crocodile » en livre de poche. Katherine Pancol ancienne prof de lettres est passée par une « creative writing school ». Good idea ! Son bouquin est structuré, rond, léger, drôle et sans intérêt sauf pour les anthropologues du bling bling.

Il faut le lire à petites touches, en alternance avec « terroriste n° 20 » du saoudien Abdallah Thabi qui raconte magistralement comment il a faillit mal tourner. Ce livre est rare pour qui veut comprendre pourquoil’absurde métastase le Monde. Le choc des cultures est assuré. Ici Courbevoie bon chic bon genre, là l’Arabie wahhabite rigoriste. C’est Marine et Zarkaoui à la table de chevet. Deux décadences pour la nuit.

Pour rêver érotiques il y a la sexologue syrienne Al Neimi . Elle apporte « La preuve par le miel » que le sexe est une obsession arabo-musulmane. Yasmina Khadra recommande ce petit livre de poche « d’une stupéfiante érudition », je ne le ferai pas.

Pour le punir de me l’avoir fait acheter j’ai acquis le sien, « L’Olympe des Infortunes ». C’est un beau Kadra un peu bâclé, plus que d’habitude. La plume est magnifique, mais elle courre trop vite, elle précède le récit. Si Mohammed tu brouillonnes mais j’aime bien. Surtout ne va pas suivre une « writing school » ou alors celle de Tlemcen, de Tozeur à la rigueur. L’écriture c’est comme la cuisine l’important c’est la sauce, le fumet, pas le dressage de l’assiette.

A propos de tortore, il y a 25 ans paraissait l’un des meilleurs bouquins sur le sujet « La bonne cuisine et les autres » de Pierre-Marie Doutrelant. C’est un extraordinaire tour de France de la gastronomie, un monument de truculence dans un style enlevé. Exemples : « il payait Georgette de la main à la main et d’une tape sur les fesses » c’est truffé de calembours comme à Bordeaux « chassez le naturel il revient au goulot » c’est lardé de lamentations « les 2/3 de la choucroute vendue en France c’est du Canichou ». L’auteur interview irrespectueusement les Bocuse, Chapel, Daguin, Robuchon, il fouille leurs arrières cuisines, mais il va aussi à la rencontre des champions anonymes de toutes les merveilles liquides et solides de l’hexagone. Prémonitoire, il annonce la perte de l’identité nationale conséquence de la malbouffe et du fast food.

Dans ce domaine, j’espérais que l’Orient intégriste défendrait à coups de fatwas son patrimoine culinaire inestimable ! Ouailou ! Les Camel Burger se multiplient comme des petits pains. Il s’agit d’un steak haché de viande de chameau servi avec un milk shake de lait de chamelle. Beurk !

Je préfère grignoter mes petits Lu.

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