dimanche 4 octobre 2009

Le pataquès de Kessous

Accueillant un journaliste du Monde qui vient l’interviewer,
le Ministre de l’intérieur plaisante : « Mustapha vous avez vos papiers ? »
Furieux, Kessous pond un succulent article au vitriol.
Le thème est porteur, les médias redondant l’info en font aussitôt un fromage. Il est vrai que habitude, la victimisation est plutôt coté BHL si vous voyez ce que je veux dire ? Mais qu’un arabe basané endosse le burnous du ratonné sans la fermer c’est nouveau. Si tous les différents de l'hexagone se mettent à gémir, la Seine va déborder !
Kessous fait tomber la France de l’armoire! Se pourrait-il qu’il y ait encore dans notre doux pays des relents d’arabophobie, d’islamophobie, de négrophobie ? Disons le mot : de racisme ?
Des témoignages de lecteurs (toujours du Monde) affluent chaque jour par milliers tant bien que la société des rédacteurs songe y consacrer un supplément hebdomadaire.

Je postule à une modeste pige.

Comme toi Kessous je suis un hybride, un hyb, un moitié, un mi, un bi, un dual… Bref, je ne suis pas tout à fait gaulois semble-t-il. En quoi et par rapport à qui ? Je me le demande ? Je ne suis ni grand, ni gras, ni rouquin, ni denté (on reconnait un rouquin aux cheveux du père et un requin aux dents de la mer) ni beau, ni moche, ni handicapé, ni jeune, ni très vieux, ni hétérosexuel frustré, ni homosexuel déçu ni l’inverse… Mais je sais: je ne suis pas mono. Je suis ambigu jusque dans mon écriture.

Pour la nationalité il s’en est fallu de peu. J’avais dix sept ans lorsque le consulat de France me convoqua pour affaires militaires me concernant. « Signez ici, c’est un désistement de la nationalité française, ainsi vous ne serez pas appelé sous les drapeaux » D’instinct le petit-fils de poilu tourna les talons. Comment imaginer que j’aurais pu biffer d’un paraphe ma généalogie du chemin des dames et de la marche Leclerc ? Français de naissance et par l’histoire de France, Monsieur le Consul je vous dis…

Restaient le nom et le prénom. On me fit remarquer plus tard que la « francisation » était une simple formalité judiciaire. Pourquoi ne pas transformer Hedy Belhassine en « Edouard Belsaint ». Ou mieux mais plus coûteux : « Edouard-François Le Bel Saint ». On me fit à juste titre remarquer que le nombre de syllabes était important. Ainsi posé, j’aurais franchi à l’aise les portes de l’école des Saints-Pères et serais à coup sûr devenu un édile décoré. Mes enfants « René Marie », « Jule-Antoine » et « Mazalènne » auraient assuré la pérennité de la métamorphose généalogique. Plus tard mes arrières petits enfants auraient avec gêne évoqués les profondeurs mystérieuses de leurs gênes : « Dites Tata Sarah, il paraît qu’un de nos ancêtres fût Mufti mahométan à Tunis ? – David mon petit, cessez de raconter des sornettes ! »

Le faciès est important. Plus que la nationalité plus que le nom mais moins que l’argent bien sûr.
Il faut te dire Mustapha, qu’à ma naissance, pour me différencier de toi et des nôtres, je me suis travesti en Français moyen : blanc, châtain, aquilin. Impossible de déceler en moi l’arabe qui sommeil ! Tiens, dans le Perche ils me prennent pour un parigot-tête de veau et à Marseille ils me croient Chti.
Ma mine de Celte s’accorde mal avec ma culture Sarrasine. Certes, mon teint caméléon passe-muraille éveille parfois des soupçons : têtes inquiètes des voyageurs du TGV qui me surprennent à parler l’arabe au téléphone… Ouallah je me marre !

Un huissier d’injustice me désigne du menton à son collègue « Vous êtes sûr que c’est lui Belhassine !!! »

Un officier français étoilé : « De quelle origine êtes-vous ? » -- « auvergnate ! » je réponds. Le poireau n’ose pas moufeter. Par la suite j’appris que le bon Général Dourakine cherchait des anciens de Cherchell.

« Je ne suis pas raciste ! » s’emporte un jour le perfide PDG, il ajoute : « d’ailleurs j’ai une femme de ménage portugaise ! »

Confondant sans doute la Seine et Oise avec les Aurès, la sécu m’écrivit un jour pour me demander le nom de mon « douar » d’origine.

Des anecdotes comme cela, j’en ai des caisses Kessous.
De quoi éclipser « Les brèves de comptoirs ».

Pardon, mais pour avoir un peu voyagé, j’ai constaté que la nature humaine était un peu la même partout. L’utopie d’une France singulière est une vanité bien française, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Le racisme réclame un combat permanent et un devoir de résistance sur soi même. Pratiquons donc le racisme positif !

Tiens, il y a deux jours, je brûle un feu rouge. Les jeunes flics en faction s’excitent, me font souffler ma limonade dans le ballon, puis lisant mes papiers me sermonnent avec respect et indulgence. C’étaient peut-être des flics arabes (maintenant on dit beur).

Tu vois Kessous, dans la police ils ne sont pas tous racistes !

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