lundi 11 mai 2009

Chronique percheronne

J’étais samedi au marché de Patelain-au-Perche où j’ai retrouvé mes copains producteurs de légumes bio sans étiquette. A huit heures, il faisait beau soleil et quelques îliens de France tombés du lit baguenaudaient le nez en l’air attirés par deux événements régionaux considérables sur lesquels je reviendrai si vous êtes patients.

Dédé, que la soif de Poiré-Picon - rapport à la chaleur matinale - avait déjà quelque peu éméché était furibard. « Y nous prennent pour des vaches à lait chez Véolia ! 100 euros qu'y m’ont facturé pour… dis voir combien ? Pour 3 m² de flotte ! Regarde, c’est écrit : abonnement compteur d’eau, consommation, eaux usées…total ? Tout ça pour une bicoque qu’est même pas habitée ! Puisque que j tle dis : c’est la réserve à mémé ! Alors ? »
Il marque une pause car des immigrés franciliens lui demandent le prix de ses poireaux. Dédé revient à la charge : « tout ça c’est la bande à Phuket, combine et compagnie ! » On se regarde, Léon qui a été l’an dernier se faire masser le papayou à Pattaya lui demande ce que viennent faire les Thaï dans l’eau du Perche. On se marre de la confusion entre Phuket et le Fouquet’s. « Ouai, il n’empêche, j’vais aller y fout’ le feu moi au Phuket, aux champs et à la grange du Proglio, ça va pas faire un pli ! » lance le Perche rond. Les parisiens reviennent rôder autour de ses poireaux « Dites moi, le prix là… C’est à la pièce ou au kilo ? »

Le premier évènement se tient à Daimbout, charmante petite cité médiévale dont toutes les maisons ont été rachetées par les citadins radins de Neuilly et de Passy, ceci, à la grande satisfaction des Daimboutins qui se sont exilés derrière les collines en raison de la puanteur dégagée par l0usine d’équarrissage. Il faut dire que l’odorante broyeuse à barbaque ne tourne pas le week end, donc les bobos n’y sentent que du feu !
Cette année avait lieu la 47 ème édition de la foire au boudin qui rassemble tous les percherons et ronnes du monde entier. Selon l’estimable hebdomadaire local ce concours international est une manifestation de référence dans le vaste domaine de la charcuterie. Ai-je besoin de préciser que je vous parle du rustique et populaire boudin noir à base de sang de porc et non pas du délicat boudin blanc fait de veau et de mie de pain au lait qui ennoblit la poule au pot des grandes maisons et les palais des aristos. Pour vous donner la mesure de l’événement, rendez-vous compte qu'il a fallu réceptionner des tonnes et des kilomètres de marchandises visqueuses et odorantes, les pendouiller à la halle, en enguirlander les édifices publics en oindre l’église et le temple maçonnique... Car ne croyez pas qu’il s’agit d’une banale manifestation culturelle ! L’enjeu est considérable, la médaille d’or qui récompensera l’emboyauteur le plus méritant recevra toute sa vie durant les dividendes de cet exploit. Être sacré Roi du boudin, ce n'est pas rien, c’est la roue de la fortune, c’est le sacre du roi des roi de la charcutaille !

Le jury comprend 150 personnalités tirées au sort et au hasard mais mâles de préférence. Les dépendeurs d’andouilles sont écartés de l’office. C’est pourquoi, dès mon arrivée, je fus désigné par une trentaine de doigts pour présider un jury. « Mes amis, vous n’y pensez pas ! » Dis-je en cherchant prétexte à me défaire de ce mauvais pas ! (Que diable, pensai-je, ma seule présence en ce lieu de pestilence peut m’attirer fatwa !) « Impossible, je suis retenu à la semaine du cinéma de Patelain». La bonne excuse me valut quelques lancés de Parigot-tête-de-veau-intello, va donc courir les starlettes !

Réfugié au bistrot de la gare de Patelain (y’a plus de train ni de gare depuis lurette mais le troquet est resté), le patron du « Celtique », un chinois de la Courneuve s’affaire. Je parade au milieu d’une douzaine de cinéastes, entre inconnus on se reconnait, on se salue. Ils ont un peu la même dégaine que moi : pompes cirées, jean délavé, pull trop large, barbe d’avant-hier, lunettes de soleil et cheveux peignés aux doigts. Deux très jeunes filles bien mises s’approchent de mon épaule, une photo à la main. « Excuse me Sir ? » Tiens des petites Anglaises ! « What can I do for you mes chéries ? » - « Oh vous êtes français ? Ça alors ? Avec ma copine on vous avait pris pour Jack Nicholson ! On aurait pourtant jurés…» Elles me tendent une photo du célèbre acteur dans « the Shining ». HORREUR ! C’est pourtant vrai que je lui ressemble !
- Allez barrez-vous les gamines où je vous joue la séquence de « Viol au dessus d’un nid de cocu »

C’est finalement Momo et Rachel charcutiers traiteurs à Saint-Pierre qui ont remporté le concours international du meilleur boudin pour la présentation originale d’un produit délicatement farci au Tamiflu sous boyau Durex.

A la remise de leur prix, les heureux récipiendaires ont déclaré : « dans le cochon tout est bon mais deux précautions valent mieux qu’une ! »

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