mercredi 29 avril 2009

Picasso et Zidane

Pardon cher lecteur d’associer ces deux noms. Mais à Madrid il a encore gaffé grave !

« Los lazos son tan estrechos que muchos franceses consideran que Picasso es uno de los suyos y tengo por seguro que numerosos españoles ven en Zinedine Zidane a un compatriota ».
« Les liens sont si étroits (entre la France et l’Espagne) que beaucoup de Français considèrent que Picasso est l'un des leurs et que de nombreux Espagnols voient dans Zinedine Zidane un compatriote »

Autour de la table, le roi a fait semblant de ne pas entendre, l’infante d’Espagne a toussé, le premier ministre a levé les yeux au ciel. Que vient faire ici l’évocation de cette ex-gloire du foot devenue directeur de la campagne électorale de Bouteflika auprès des Algériens de France et d’Italie ? Ça tombe comme un cheveu sur le potage diplomatique. « El nino Presidente a besoin de culture physique ne trouvez-vous pas ? » Pourquoi pas Cervantès et Poulidor, Velasquez et Delon, Lorca et Dalida ?

Comment implorer le pardon des Grands d’Espagne pour cette collation grotesque entre un génie et un bipède. Ségolène devra renouveler ses Royale excuses. Le chemin de son calvaire n’a pas fini de lui faire saigner les genoux !

Faut-il que je m’attarde sur l’affliction profonde que m’inspirent ses propos ? Il faut se ressaisir, combattre les ténèbres, ami Druon entends tu ? Au secours le Louvre et les beaux-arts, les Goncourt, les académiciens de tous bords, les normaliens, les sorbonnards, à moi l’école des chartes, les lauréats du concours général, les agrégés et lettrés de tous poils et même les certifiés d’études et lecteurs du canard ! Mobilisation ! Qu’une giga manif s’organise en procession du boulevard Saint-Germain aux Pyrénées !

Heureusement sitôt lancé, mon appel à la révolte est entendu à l’Elysée. Un conseiller m’a conseillé de publier un démenti cinglant aux assertions mensongères de la feuille de choux ibérique. Car il est patent que le plumitif aviné du quotidien régional « Rioja » s’est perdu dans ses notes. D’ailleurs l’audition de la bande son de la boîte noire l’atteste. Le premier des Français a dit –- : « Picasso es uno de los suyos y tengo por seguro que numerosos españoles ven en André MALRAUX (et non pas Zidane) a un compatriota ».

André Malraux l’espagnol et Picasso le français ? Ah bon !

lundi 27 avril 2009

Le courage du souvenir

8 mai 1993, Karaganda au nord du Kazakhstan. Le ciel est pur, la terre est grise. La steppe à perte de vue. Cinq hommes et deux femmes figés devant un tas de pierres que surmonte une stèle grossière. L’ambassadeur oublié d’une France lointaine nous a entraînés dans l’aridité du souvenir de l’horreur. Ici dans les ruines d’un goulag soviétique reposent les restes d’une centaine de français. «C’étaient des nazis ! » ont protesté hier les anciens combattants de l’armée rouge que nous avons rencontrés. « Ils étaient des Malgré-nous a plaidé l’ambassadeur, la plupart étaient des pauvres gosses, l’un d’entre eux était peut-être un authentique résistant ? Il mérite le salut de la France. » Les vétérans n’ont pas fléchi, un traitre est un traitre, l’Asie centrale n’est pas l’Alsace-Lorraine. Il faut dire que la province de Karaganda et Semipalatinsk est un concentré d’injustices. Pendant soixante ans, sur cette terre interdite aux étrangers, des humanoïdes ont extrait le fer des mines. Lorsque le filon était épuisé, les militaires y faisaient exploser une bombe. Plus de quatre cents expérimentations nucléaires ! Une région entière irradiée, des cancers méticuleusement répertoriés, un laboratoire in vitro à ciel ouvert grand comme la Corse. Alors, dans ces conditions, la repentance tardive de la France pour une poignée de bagnards...

Soudain, surgis de nulle part, des soldats russes nous entourent mettant fin à la commémoration.

Ils nous invitent à boire un verre dans leur caserne toute proche. Les sourires sont engageants. Des françouski, ils n’en reviennent pas ! On forme cortège, blindé russe à l’avant, voiture fanion tricolore suivant. On traverse un champ de chars soigneusement rangés tête-bêche, on compte les travées, il y en a plusieurs centaines pas mal rouillés. Déjà dans le cantonnement des officiers, les femmes s’affairent, elles dressent des planches sur des tréteaux, lancent des nappes blanches, toutes les réserves de friandises sont amassées en un tour de main. La vodka est servie ! Une jeune fille apporte un accordéon. Un diplomate retrouve son livret de chansons, et jusqu’au soir les ritournelles russes et françaises s’enchaîneront. On raconte notre histoire de Malgré-nous, on explique, on nous embrasse, on se sépare avec des perles dans les yeux.

Autre temps, autre lieu:

8 mai 1945, la France libérée est en liesse. L’Algérie aussi. A Sétif, les indigènes indécents veulent aussi être de la fête. N’étaient-ils pas au combat ? Devant le « Café de France » un jeune brandit le drapeau algérien. Il est abattu. A ce moment l’histoire bascule. Avant lui des milliers d’algériens étaient morts pour que vive la France, après lui des milliers d’autres algériens mourront pour que vive l’Algérie.

En ce joli mois de mai 2009 qui pointe le nez, qui viendra fleurir la tombe du gonfalonier oublié ? De ce Malgré-lui victime emblématique des combats pour la liberté de la France et de l’Algérie ? Vous me direz que ces dernières années, deux ambassadeurs de France sont déjà passés chacun avec des paroles aimables. Est-ce bien suffisant ?

Qu’est-il prévu à l’agenda du 8 mai du ministre des 3i (immigration, intégration, identité) dont la mission précisée au journal officiel est de participer à « la politique de mémoire de la République » ?

J’appréhende une déception car en politique, le courage du souvenir est rare.

samedi 25 avril 2009

Quand le calendrier s'emmêle

Je suis né vers la fin du quatorzième siècle au beau milieu de l’année lunaire, un 20 du mois Joumadâ Al-thani de l’hégire. Ceci correspond au 19 avril du calendrier solaire du milieu du siècle grégorien dernier. Mes années comptent 354 nuits de lune et 365 jours de soleil. Mais de soleil le 19 avril dernier, il n’y en avait point. Les astres décidèrent d’autorité de faire le pont. Je célèbrerai donc mes années de lune le 13 juin prochain soit précisément le 20 Joumadâ Al-Thani de l’an 1430.

Je devine votre sourire en coin, vous pensez que je perds le sens de la mesure, que j’aie la prétention inouïe de vouloir convertir le calendrier selon mon humeur et l’air du temps ! Que par un caprice extravagant je voudrais changer ma naissance au gré de la météo. Et pourquoi pas ? J’étais Bélier, né sous le signe du rat dans le ciel chinois, il est probable que je mourrai chèvre, ce qui vaut mieux que l’inverse, mais qu’importe, mon horloge sera celle de mon destin.
C’est une partie de mon identité, elle est duale, interchangeable, réversible par mauvais temps, pratique à porter. Je dirai même que cette forme culturelle d'hermaphrodisme est un confort de vie. Il ne s’agit pas de religion ni de confusion entre la cloche et le muezzin, ramadan et carême, charité et zakat, cinq piliers et sept pêchés…Il s’agit d’une anomalie congénitale qui n’est pas transmissible par poignée de main. Elle me fût révélée dés que le premier rayon de soleil détourna mon regard vers la lune.

J’ai reçu en cadeau pour mon anniversaire grégorien pluvieux quelque mille six cents pages d’Aragon. Ce recueil édité à La Pléiade est une merveille de douceur et de cruauté. Pendant que les pages en papier de soie caressent vos doigts les caractères lilliputiens meurtrissent les yeux.
Le génie d’Aragon a traversé le siècle dernier dans une France de suspicion. Aimer Aragon, c’était s’encarter au parti communiste par procuration. Poète adulé ou maudit, il prit prétexte de son amour Fou pour Elsa pour consacrer dix ans de sa vie à l’écriture sublimée de l’histoire de la chute de Grenade. Témoignage de sa quête minutieuse vers la compréhension de l’autre. De l’ Andalousie de 1492 à la France de 1954 le voyage ne fût pas long, juste une histoire de calendrier…

Plus près de nous, Abdi Wali Abdelkader, pirate capturé par les Américains. Il déclare être âgé de 15 ans, sa mère prétend qu’il en a 16, le tribunal de Manhattan estime qu’il en a 18. Cette divergence d’appréciation est sans importance en Somalie où il y a longtemps que l’on ne compte plus les jours sans pain et où la poste et les calendriers ont disparu… depuis la chute de la reine de Sabbat ! Notons au passage que la science US est incapable de dater les artères d’un homme alors que chez moi, en Normandie, n’importe quel cheval peut dire l’âge du percheron rien qu’en lui comptant les dents ! Donc, Abdi Wali sera jugé en tant qu’adulte et probablement condamné à vivre derrière des barreaux new yorkais. Il se consolera en pensant que de toute façon il n’aurait pas fait de vieux os dans son pays où l’espérance de vie est de 42 ans. A moins qu’un habile juriste ne réussisse à prouver que selon le calendrier nabatéen qui est toujours en vigueur au Putland, le jeune pirate n’a que 6 ans ! Dans ce cas Abdi sera condamné à aller mourir prématurément dans son pays de misère et de poètes. Il pourra alors proclamer avec Aragon :
« N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fût belle »

jeudi 23 avril 2009

Vive la crise à Bon Marché

Oubliez la crise, allez « au Bon Marché » ! Si vous êtes parisien, c’est facile, si vous êtes percheron, limousin ou basque, faites le détour, il en vaut la peine !
Au Bon Marché le mal nommé tout est chic, tout est cher, mais on y entre sans obligation d’achat. Il suffit d’être habillé propre, les chaussures cirées, une barbe de deux jours pour faire masculin, ou des lunettes de soleil dans les cheveux pour faire fille ou les deux car après tout chacun sa tendance.

Vous trouverez ce grand magasin à la sortie du métro Sèvres Babylone. Si vous venez en limousine, il y a un voiturier, si vous venez en Renault il y a un parking à 3 euros de l’heure comme partout dans Paris. Ne vous arrêtez pas devant les quelques personnes biens mises assises sur le trottoir : il s’agit de mendiants attitrés qui sont hors du prix de votre aumône. Les jolies dames en noire qui fument en battant le pavé rue de Babylone ne sont pas des michetonneuses mais des vendeuses qui font la pose. Passez votre chemin et poussez les portes du magasin.
Filez directement au centre du rez-de-chaussée. Oui sous la verrière, au milieu des parfumeurs il y a deux canapés moelleux en cuir fauve qui n’attendent que votre soupir d’aise. Fermez les yeux. Respirez le capiteux. Devinez la dominante des effluves : ambre, jasmin, rose… Ecoutez les chuchotements et les frôlements : « puis-je ? veuillez me pardonnez, mais je vous en prie, c’est un plaisir… » Le personnel prévenant de cet établissement est d’une charmante disponibilité.
Reprenez vos esprits allez faire semblant d’acheter, les vendeuses sont tellement attentionnées qu’il faut se retenir pour ne pas casser son livret Ecureuil rien que pour leur faire plaisir. Si vous avez besoin d’un chapeau, rendez visite à l’exquise modiste ! Il y a aussi chez les couturiers des tas de petites choses frivoles que vous ne risquez pas de retrouver sur les épaules de votre voisin d’autobus. Inutile d’aller vous attarder pas dans les étages, on y trouve pareillement de belles choses de bien bonne qualité à des prix astronomiques. Vous me direz : « le prix s’oublie, la qualité reste ! » Sauf que je ne vous ai pas entraîné au Bon Marché pour faire des emplettes.
Au Bon Marché, le plus extraordinaire, le plus éclatant de beauté, le plus rayonnant de bien être et de sérénité, c’est le client ! Ou plutôt les clientes, toutes plus belles les unes que les autres ; elles viennent exhiber leurs bronzage, leurs peeling, leurs courbes, leurs camouflages, l’harmonie des cuirs, des soies, des cachemires…A contempler leur démarche insouciante et langoureuse, à observer leur pause devant quelques chiffons, on devine qu’elles ne savent pas lire les chiffres. Parfois l’une d’elles me renvoie mon regard et j’ai la désagréable impression d’être transparent. Il y a aussi des hommes, beaux également, habillés de noir, pantalons serrés, chaussures pointues. Parfois, l’un d’entre eux me regarde avec une insistance que je lui retourne; il se sent transparent.
Au sous-sol du magasin, il y a un immense salon avec des fauteuils confortables, des grandes tables et des chaises, et des livres partout, bien rangés. Rien à voir avec la Fnac, ni même avec une librairie aux rayons poussiéreux et caisse enregistreuse à l’entrée, ici c’est une « livre-rêverie ». Il y a même un coin pour grignoter et se rafraîchir. Vous avez envie d’acheter ? Ne vous privez pas ! Depuis Lang, le prix des livres est fixe, alors achetez Bon Marché au lieu d’allez vous ruiner chez Auchan où vous serez bien en peine de trouver un vendeur normalien pour vous conseiller. Remplissez votre cabas, faites chauffer votre carte de crédit. Faites délicatement envelopper vos achats de papier de soie et de ruban doré, c’est gratuit ! Le plaisir d’acheter avant celui de lire.

Trois heures plus tard, en sortant, marchez jusqu’à la rue du Cherche Midi, prenez un petit pain aux raisins chez Poilane que vous irez croquer au pied de la statue du Minotaure de César carrefour de la Croix Rouge.( Horreur, ils ont débaptisé la place pour la donner à Michel Debré ! Bravo Delanoë, Ségolène j’exige des excuses !)
Si vous n’êtes pas fatigué, poussez jusqu’au café de Flore pour y déguster entre deux japonaises et un philosophe peu connu un chocolat chaud à un euro la gorgé.

La crise ? Quelle crise ?

dimanche 12 avril 2009

L’Agnus Dei

Je veux attirer l’attention des trois fidèles lecteurs de ce blog et en appeler à leur conscience pour relayer le cri de mon ami Mouton.

En effet, en ce Saint week-end de Pâques, deux cent quinze millions, trois cent mille huit cent trente sept innocentes et saignantes tranches de gigots seront englouties sur les tables de France. Ne nous arrêtons pas en vaine polémique sur ce chiffre incontestable, ni sur l’origine de ces pauvres créatures pour la plupart Zélandaises, transportées comme des bêtes, dans des conditions inanimales à moins dix huit degrés. Il ne convient pas d’avantage de méditer comme le fait mon boucher sur l’usage des carcasses amputées de leurs jambes, dont l’industrie du cassoulet et autres préparations de haricots de mouton, peine à absorber les stocks, ni sur le sort des abats apprêtés à la-va-vite sans mojettes, lingots ou Soissons, par la multinationale Ronron.

Le mouton est la victime expiatoire « à bon dos » du Monde entier. Car la France n’est pas la seule à chercher à se débarrasser de ses « peccada mundi » ; les péchés du monde ont en effet infectés toutes les capitales. Rappelons que cette question a été traitée lors du dernier G20 et que les paradis mis en cause ont promis de faire la chasse aux loups.

Dans quelques jours, le 19 avril, la Grèce qui est au bord de la faillite, exécutera rondement, avec l’orthodoxie qu’on lui connait trois millions six cent vingt huit mille quatre cent trente deux Agnus Deis innocents. Les grecs, il faut leur rendre cette justice, ne sont pas gâcheurs. Dés potron-minet, le mouton entier sera soigneusement rôti à la broche avant d’être engloutis par les hellènes et les hellas qui plus tard, achèveront la fête en absorbant une salutaire soupe de tripes à la crème et à l’aneth copieusement arrosée de résiné à l’Alka-Seltzer.

Dans quelques mois, le monde musulman sera le dernier à s’inviter au méchoui. Nous sommes en 143O, et en retard, il faut attendre la fin de l’année hégirienne et le pèlerinage pour s’autoriser à égorger trois cents trente deux millions six cent dix mille huit cent douze colliers de mérinos et approchants. Inutile de dire que les pauvres doublures d’Ismaël seront intégralement boulottées, os sucés, laines filées et cuirs tannés. Al hamdou lillah !

Les prédicateurs lecteurs de marc de café et bulles de Perrier annoncent que la crise prendra fin avec le sacrifice du billionnième mouton. Cela laisse du temps pour spéculer sur le Panurge!

En attendant que la Chine s’invite au festin, il faut encourager l’Inde et le Pakistan à se goinfrer de Pilaos et l’Ouzbékistan à se délecter d’un Plov, digeste ragout de riz au suif et à la graisse de coton que l’on pousse avec du thé vert ou du cognac glacé. Les voisins Kazakhs plus raffinés, servent à leurs invités une tête de mouton bouillie, puis solennellement, à la pointe d’un grand couteau décollent avec soin les yeux de l’animal pour les offrir à leur hôte en hommage à sa « clairvoyance ». Si cela vous arrive, dites que vous n’êtes pas digne de cet honneur, réclamez la cervelle en prétextant l’atrophie de la votre, ou feignez d’être sourd pour avoir les oreilles, c’est selon votre goût !

Sous d’autres cieux plus civilisés, peut-être aurez-vous la révélation d’un plat de pieds de mouton farcis. C’est une œuvre d’art qu’aucun chef micheliné n’est capable d’accomplir. Si cela vous arrive, vous saurez que la crise est désormais derrière vous...
Ce sera le requiem de l’Agnus Dei !

mardi 7 avril 2009

Le Grand Paris Multicolore

Rouge/ introduction primesautière de saison
Tiens, c’est le printemps ! On croyait la nature sombre à jamais, mais avec quelques heures d’avance grâce aux Antilles, voici qu’elle renait éclatante de lumières et de couleurs. On se surprend à contempler ébahit, le miracle d’un bouton de pissenlit qui jaillit d’une bordure de trottoir en pensant à Margot qui dégrafe son corsage. Il y a du vert et du jaune dans les squares. Mon Iris cherche l’aventure chromatique.

Vert/ énoncé de la couleur
Mais où sont passées les couleurs ? Avez-vous remarqué qu’elles sont absentes des manufactures ? Les voitures sont marrons, blanches ou noires, les cravates sont en deuil, même les vêtements des enfants sont gris souris. Le monde broie du brun, caca de chien sur le trottoir et dans la tête. Personne ne regarde le ciel, la mer, les pâquerettes, les lèvres des lolitas. Je suis un nostalgique des couleurs du temps ! Guy Béart toujours vivant ?

Jaune/appel aux artistes
Pourquoi mon Coca n’est-il pas rose ? Mon Sidi Brahim bordeaux ? Mon camembert fuchsia ? Ma chemise verte ? Ma Peugeot bleue pâle avec des pneus orange ? Pourquoi la ville est si triste ? S’il te plait Jean Nouvel, retire ton feutre noir peins toi le crane et fais nous un Grand Paris multicolore ! Avec des chaussées violine des trottoirs vermillon, des façades en pierres de Volvic émaillées en jaune et parme avec des balustrades mauves, des bancs bleus et des cafés blancs laiteux. Allez Jean, toi qui bâtit des tours scintillantes et des musées transparents, toi que les Princes écoutent sans te comprendre, redessine nous une ville en couleur. Tu imagines le Grand Paris Peinturluré avec des filles se mêlant à la fête des yeux ? Des femmes habillées par Christian Lacroix ou Agatha Ruiz de la Prada qui chaque jour oseront une nouvelle coloration en harmonie avec la barbe fleurie de leurs amoureux. Forcément, même les toutous et les pigeons suivront…

Bleu /hommage à l’autre grand Jean
Oui mais me direz-vous, dans ce doux décor, la publicité passera inaperçue ! Bof, un fils de pub finira bien par trouver entre vert de gris et chien et loup la nuance qui convient. Car ce sont les Jean Mineur, les marchands de propagandes et autres promoteurs de double Bling qui se sont approprié l’arc en ciel. Depuis, la palette des Van Gogh, Picasso, Chagall est une valeur spéculative hors de prix. Même les barbouilleurs de croutes comme Paul Di Rosa ou Marc-Henri Mermet sont inabordables. La couleur est devenue l’objet du système alors qu’elle n’était que (le)système des objets. ..Tiens, tiens, déjà deux ans que Jean Baudrillard le plus fulgurant penseur n’est plus de notre temps !

Pervenche /appel au peuple
Peuple de France, descends dans la rue, reprends tes couleurs : le beige à la FNAC et Renault, le bleu ciel à Air France et au Crédit Lyonnais, le vert à la BNP et aux pharmacies, l’orange à Bouygues et Areva, le jaune à la Poste et aux cocus, le bleu-blanc-rouge à Total et Carrefour...Arrache le rouge aux feux, gomme le blancs des stops et des interdits, bouscule les aubergines à l’arrière des Dauphines, chamarre ton Président en Fantasio, pare son épouse en Sissi…

Zinzolin /lendemain qui déchante
Il faut faire vite car demain les œufs, puis le muguet….encore et toujours la blanchitude !

samedi 4 avril 2009

La guerre du vernis à ongles ?

J’écoute Europe 1. Le Président dit que dans un pays très beau, les petites filles qui mettent du vernis à ongles ont les doigts coupés. Ce n’est pas possible !

Abasourdi, je contemple la tartine qui flotte dans mon bol de Ricoré. Si le Président le dit, ça doit être vrai ; il est la parole de l’Evangile de ma France ! Je ressasse la nouvelle sans me résoudre à récupérer mon pain trempé. Sale journée ! Comment des créatures terrestres fussent-elles extrémistes, se sont-elles transformées en bourreaux d’enfants ? Les enfants c’est plus sacré que le sacré! Je cauchemarde: "Bismillah! Clac! Tends l’autre main petite sorcière. Clac-clac ! Aller, retourne pleurer sous la burka de ta mère!"

Le soir, je décroche mon téléphone arabe pour appeler les zones tribales. Depuis sa grotte de Tora Bora, Hamidoun s’étrangle de colère ; cette histoire de phalanges me dit-il est une rumeur du Mossad pour que les assassins du Christ repartent en croisade contre les Sarrazins.
Mon correspondant pachtoune est un francophone bien informé qui regarde TF1 grâce à une vielle antenne satellite abandonnée par l’armée rouge. Il est au courant de tout. Ici, me dit-il, on attend de pied ferme l’arrivée prochaine des gendarmes français en gants blancs qui viennent protéger les mains rouges de nos petites filles…
Pour calmer Hamidoun j’avance que ce n’est qu’un prétexte, et que nos héros du maquis Corse pourraient (conditionnel) être déployés discrètement pour lutter contre la culture du pavot dont l’Afghanistan est le premier producteur mondial. Le Président de la France a dit qu’il fallait s’attaquer aux racines du mal, car si nous ne faisons rien, demain nos jeunes seront accrochés.
Déjà les 6 000 tonnes de blanche Afghane tuent chaque année 100 000 junkies innocents à New York, Paris, Berlin, Londres…

De pandores en blancs de poulets… je ne sais pourquoi, on se met à parler bestiaux. Je me rends compte qu’Hamidoun n’apprécie pas du tout les animaux de compagnie. Je le charrie un peu et lui demande innocemment les raison de cette désaffection. Il hurle furieux dans le téléphone : « Notre PIB est inférieur au budget Canigou de vos 30 millions d’amis ! J’ai envie de vomir lorsque je vois les publicités d’aliments pour chiens et chats sur vos télés. Ici nos gosses sont parfois obligés de manger du rat alors qu’en France, les clebs sont tellement bien nourris qu’ils dévorent de temps en temps quelques enfants en friandise ! »
Je saisis l’allusion au récent drame dans la Marne où une fillette de 6 ans a été déchiquetée par deux dogues. Je tente de plaider la thèse de l’accident rarissime, monté en épingle par une presse en quête de marronniers. « Non ! Chaque jour en France, 2 000 personnes sont mordues par un canidé, les mauvaises années jusqu’à 30 personnes en meurent ! » M’assène l’enturbanné très informé.

Je proteste ! Le chien est le meilleur ami de l’homme, le copain des facteurs, il guide les aveugles, il sauve les alpinistes, c’est un lécheur fidèle et sincère… Rien n’y fait. Hamidoun m’annonce qu’Allah lui a commandé d’aller sauver les enfants des crocs canins. Il a fait un discours. Le peuple est prêt à partir exterminer les chiens. Où ? « D’abord à la Maison Blanche pour sauver Hussein qui a été contraint par le lobby sioniste-canin d’adopter un chien. Ensuite à Paris, capitale des toutous et des roquets-arrogants-donneurs-de-leçons. »

C’est la guerre des chiens !

mercredi 1 avril 2009

La cité de l’immigration ratée

Je n’étais pas peu fier en recevant l’invitation. Pensez, pas moins de quatre ministres de la République me conviaient à l’inauguration de la médiathèque Abdelmalek Sayad à la cité de l’immigration. Je recevais enfin l’expression officielle de la reconnaissance de mon statut de minorité invisible. Il était temps en effet, qu’un Belhassine dont la famille est venue coloniser l’île de France il y a 75 ans soit reçu en pompes au musée de l’immigration ! J’ai donc passé un costume, noué une Hermès et arboré ma Rolex des grands jours.

La cité de l’immigration est hébergée à titre précaire dans les anciens locaux du Musée des Colonies à la Porte dorée, tout à coté (allez savoir pourquoi) de la Foire du Trône. C’est un imposant bâtiment blanc de style néo-stalino-colonial dont le principal intérêt est d’abriter dans ses sous-sols un étonnant aquarium qui fait les délices dominicaux des petits parisiens.

A la sortie du métro je dois montrer patte blanche. Des policiers quadrillent le quartier. On m’autorise à traverser le boulevard. Un nouveau contrôle « c’est pour votre sécurité car il y a des manifestations » me dit un agent un peu nerveux. Sur le trottoir d’en face, un autre groupe de pandores m’observe et m’accueille « vous êtes de la maison ? » Je proteste en brandissant mon invitation d’immigré. J’entends derrière moi le type se justifier auprès de son collègue « il avait la montre des chefs ! » Je suis finalement pris en charge par des hommes en costumes noirs, Ray Ban sur le nez et fil torsadé dans les oreilles. Ils me conduisent à l’abri, derrières les grilles du Musée. Ouf ! Je l’ai échappé belle ! Ça me rappelle une exfiltration à Sarajevo.
Je finis par identifier le danger qui me menaçait : de l’autre coté de la place, une centaine de CRS scandent des slogans inaudibles sous la contrainte d’un millier de manifestants porteurs de banderoles.

Yasmina Kadra lui aussi, a réussi à franchir la ligne Morice. Je le félicite chaleureusement. Si Mohammed, l’ancien Commandant de l’ALN a l’exploit modeste… Notre conversation est interrompue par l’arrivée des ministres qui passent en trombe, comme portés par leurs gardes du corps et les cameramen. Je demande à l’auteur de « L’attentat » s’il est venu chercher ici l’inspiration d’un nouveau récit ? Khadra parle doucement, ses mots m’entrainent dans une rêverie, j’ai l’impression d’être ailleurs, caché du soleil, accroupis sous un olivier, j’écoute un camarade parler de voyages merveilleux... Sur la tribune dressée au fonds du hall les officiels éructent, des protestataires chahutent. Une jeune femme est brutalement emportée par deux vigiles…On ne s’entend plus. Kadra ferme son manteau et resserre son cache col. On se dit au revoir. Je contemple une dernière fois les buffets de petits fours. Adieu Monsieur Boulaouane, beslama Sidi Brahim.

Je me réfugie dans la médiathèque baptisée du nom de Sayad, le « Socrate Algérien » qui fût le complice du grand Bourdieu. Je me demande ce que sont venus faire des ministres incultes dans ce sanctuaire de l’intelligence ? Mais enfin ! Pour les arts, les lettres, le savoir, il y a les Académies, le Collège de France, il y a les contemporains de Voltaires, de Céline, de Maupassant, de Camus…

Pauvre petit ministre dont la postérité ne passera pas la législature, pauvre petit ministre qui est passé à coté de Khadra sans le voir, sans même lui dire merci pour son histoire !